Intervention von Cyril Bourayne bei der CNIDECA-tagung

Intervention von Cyril BOURAYNE zum Thema « Alternative Streitbeilegungsmethoden » anlässlich der Tagung der CNIDECA (Verein französischer Ingenieure und gerichtlich beeideter Sachverständiger) am 26 November 2014.

 

1. Le réflexe du recours au Juge

Pour paraphraser Louis Gallois quand il quittait la SNCF, 25 ans passés dans les tribunaux, cela vous vaccine contre l’optimisme ! Les avocats ont coutume de dire à leurs clients que ce n’est pas parce qu’ils ont un bon dossier qu’ils sont sûrs de perdre, mais ils sont à la fois, comme leurs clients, pétris d’une culture latine, méditerranéenne, qui voient encore dans les joutes oratoires du Palais, l’écho lointain des combats de gladiateurs, avec un vainqueur et un vaincu.

 

En substance, plus on s’éloigne de Rome et de l’Italie, plus on se rapproche du Nord et de la culture protestante, plus le taux de « litigiosité » baisse. Il est vrai que Saint Paul déclarait déjà aux Corinthiens qu’ « il n’existait aucun homme assez sage pour juger entre ses frères et que de toute façon, c’est déjà pour vous une déchéance d’avoir des procès entre vous ». L’esprit de clocher l’emporterait donc sur le Saint esprit !

 

Ainsi, en matière civile et commerciale, 190 affaires nouvelles sont enregistrées en Finlande pour 100 000 habitants en 2012, on en compte 950 aux Pays Bas, 1961 en Allemagne, 2575 en France et 3958 en Italie…

 

Cela étant, les travaux de la Commission Européenne pour l’efficacité de la Justice révèlent que la justice française fait preuve d’une efficacité judiciaire comparable à celle de ses principaux voisins, avec un taux de couverture pour les affaires non pénales de 100,2 % en 2012, ce qui signifie qu’elles ont clôturé autant d’affaires qu’elles en ont enregistrées, dans la tendance constatée depuis 2004 et ce, dans un contexte à l’époque de croissance du contentieux civil. Quant à la durée moyenne des affaires terminées par juridiction, elle varie de 5,4 mois devant les tribunaux de commerce, à 13, 3 mois devant les conseils de Prud’hommes, avec toutefois de fortes disparités territoriales.

 

La Commission révèle par ailleurs que le budget de la Justice française reste très inférieur à ce qu’il pourrait être en comparaison de l’Allemagne ou des Pays Bas, soit 61 euros par habitant par an en France, contre 114 et 125 euros pour ces deux pays, où la Justice est abondée par des taxes ou des frais de justice inconnus en France.

 

Nous avons donc une Justice pauvre mais à l’accès libre et de nouveau gratuit depuis la suppression des taxes de 35 euros et 150 euros, permettant à des juges trop peu nombreux de traiter un grand nombre d’affaires dans des conditions souvent difficiles.

 

Cette Justice étatique est toutefois perçue comme longue, coûteuse en ce qui concerne les coûts des auxiliaires de justice, et terriblement aléatoire. Elle reste cependant en France la voie royale empruntée par les justiciables. Mais peut être plus pour longtemps…Car voici venu le temps de MARC !

 

Les MARC ne sont pas une sorte d’infrajustice privée venue d’outre Atlantique : Albert Buisson rappelait ainsi en ces termes dès 1930 au sein du Tribunal de Commerce de Paris qu’il présidait, qu’avec la présence personnelle des parties, et l’autorité d’un magistrat élu, on y trouvait

« l’atmosphère merveilleusement propice à faire éclore la conciliation. Si le Juge échoue dans ses efforts il lui faut reprendre et approfondir le dossier et rendre une décision fondée en droit ».

 

C’est la panoplie des modes de règlement des litiges qui s’est sensiblement enrichie au cours des dernières années, dans l’intérêt des justiciables qui y ont recours tout d’abord, puisque 75 % environ des litiges sont solutionnés, mais également dans celui de la Justice étatique qui, à défaut de moyens, peut se délester d’une partie croissante des dossiers. Le développement des MARC est ainsi qualifié par la Chancellerie de l’un des grands chantiers de la Justice du XXIème siècle : le livre cinquième du Code de Procédure Civile leur est consacré sous le vocable « La résolution amiable des différends », correspondant aux articles 1528 et suivants, qui consacrent les principes de confidentialité des processus, la possibilité d’homologation des accords par le Juge, en donnant des garanties sur la probité et la compétence du médiateur ou du conciliateur.

 

2. La diversification la panoplie des outils de règlement des litiges

La Médiation

La médiation pénale existe depuis 1993 et donne des résultats avec près de 60% de médiation réussies s’agissant des petits délits.

 

En matière commerciale, on constate un développement spectaculaire de l’activité du Centre de Médiation et d’arbitrage de Paris depuis 15 ans. C’est aujourd’hui devenu une institution incontournable. D’une activité encore embryonnaire à la fin des années 90, il a traité 330 dossiers en 2013, aboutissant pour 72% d’entre eux à un accord, sous la houlette avec de médiateurs avocats, magistrats ou chefs d’entreprise.

 

La médiation se développe également en matière sociale, en particulier devant la Cour d’appel de Paris, avec des résultats encourageants. La tentative de conciliation en première instance reste malheureusement assez anecdotique, faute peut être de formation suffisante des conseillers prudhommaux.

 

Le législateur organise désormais la médiation conventionnelle aux articles 1532 et suivants du Code de Procédure Civile.

 

Le Barreau de Paris a créé en juillet 2013 l’Ecole de la Médiation du Barreau de Paris qui propose des formations pour faire connaître, promouvoir la médiation, et former des avocats (55 heures par un organisme de formation, complété par 3 sessions de 25 heures), avec à la sortie une qualification du Barreau de Paris.

 

La Conciliation

On a tendance à l’oublier, mais il entre toujours dans la mission du juge de concilier les parties, ainsi que le rappelle l’article 21 du Code de Procédure Civile. Il a l’obligation de s’y efforcer au tribunal d’instance et de proximité, en matière familiale et sociale. La jurisprudence rappelle même que le juge peut en toute matière proposer le texte d’un protocole. Il peut également prendre toute mesure utile pour la favoriser.

 

Les articles 1536 et suivants régissent l’intervention du conciliateur de justice.

 

Au Tribunal de commerce de Paris, on observe clairement un renouveau de la conciliation sous l’impulsion déterminante des juges consulaires qui la proposent soit par eux même soit par un tiers conciliateur de justice, avec des avocats qui accompagnent et conseillent les parties (70% de réussite avec avocat, 30% sans avocat). Il est difficile de ne pas citer à cet égard le Président du Tribunal de Commerce de Paris, Frank Gentin, qui a réussi à concilier HERMES et LVMH après 4 ans de procédure, ou encore VIVENDI et LAGARDERE en 2013. Le Tribunal a procédé à 350 conciliations en 2013, 500 en 2014. Une révolution culturelle est en cours, avec un objectif assumé de 1000 conciliations par an.

 

La procédure conventionnelle

De très nombreuses transactions sont par ailleurs traitées directement par les avocats hors le cadre d’un processus structuré et donnent lieu à un accord transactionnel.

 

Afin de favoriser la transaction, il a été créé en 2010 par les articles 2062 et suivants du Code Civil et 1544 et suivants du Code de Procédure Civile une procédure conventionnelle dénommée « convention de procédure participative » qui donne une structure juridique, un cadre contractuel à la démarche de rapprochement, à la négociation raisonnée, avec l’assistance des avocats et la possibilité d’avoir recours à un technicien indépendant dont le rapport pourra être produit en justice, référence faite à l’article 1547 du Code de Procédure Civile.

 

Elle est signée avant la saisine du juge étatique ou arbitral et oblige les parties à œuvrer de bonne foi en vue de la résolution amiable du différend. Elle contient obligatoirement un terme, l’objet du différend, les pièces nécessaires et les modalités des échanges.

 

Elle se termine à l’échéance du terme, soit par écrit de manière anticipée, soit par un accord détaillé, total ou partiel, susceptible d’homologation par le juge par voie de requête. En cas d’échec, la partie la plus diligente peut saisir dans les 3 mois le juge par requête unilatérale, ou par la voie normale dans le délai de prescription applicable.

 

Elle rend le recours au juge au fond irrecevable pendant qu’elle est en vigueur, sauf inexécution par l’une des parties de ses obligations, et suspend le cours de la prescription.

 

Naturellement, le recours au technicien est un point qui doit interpeler la CNIDECA. Dans un grand nombre de dossiers, techniques ou financiers, le recours à l’homme de l’art est indispensable, et son avis sera souvent déterminant de la solution du litige, sous le contrôle du juge en cas d’échec du rapprochement. Il appartient à cet égard de veiller scrupuleusement à la rédaction de la convention de procédure participative, pour fixer sans ambiguïté la portée à donner à cet avis, son caractère impératif ou non, étant rappelé la jurisprudence de la Cour de Cassation du 16 février 2010 rappelant que l’avis de technicien ne pouvait se confondre avec une décision d’arbitrage.

 

Le droit collaboratif

Les accords de paix en Irlande sont le fruit de la négociation raisonnée, du droit collaboratif. Il s’agit d’une technique de dialogue contractualisé et strictement confidentielle qui permet de signer la paix, c’est-­‐à-­‐dire le maintien du lien social, et qui a une forte composante psychologique, puisqu’il va s’agir de permettre à des parties de continuer à vivre, à travailler ou à collaborer ensemble. Le vocabulaire est choisi, certains mots sont prohibés. Les résultats sont là : selon l’AFPDC (Association Française des Praticiens du Droit Collaboratif), 98% des dossiers aboutissent à un accord. Les parties ne sont accompagnées que de leurs avocats.

 

Cette technique se développe surtout en droit de la famille, mais aura vocation à se développe en droit des affaires.

 

Une Formation spécifique est nécessaire (gestion des émotions et des conflits, techniques de communication, écoute active…), un choix du vocabulaire s’impose aux parties (on bannit les mots adversaires, combattre, gagner, partie adverse….). 1000 avocats en France ont été formés, notamment par l’EFB. Les avocats doivent obligatoirement se dessaisir en cas d’échec du processus, ce qui contribue à l’originalité de la démarche.

 

3. Le rôle des avocats dans les MARC

Les avocats prennent toute leur part dans cette évolution et il leur appartient clairement, dans le cadre de leurs obligations déontologiques et professionnelles, d’informer leurs clients sur toutes les possibilités qui s’offrent à eux.

 

Leur obligation de conseil les amène également à proposer de plus en plus fréquemment lors de la rédaction des contrats des clauses prévoyant la mise en place obligatoire avant tout procès d’un mode alternatif de règlement du litige.

 

La question se pose actuellement de modifier la lettre d’usage des avocats qu’ils adressent généralement à la partie adverse avant la tenue d’un procès pour indiquer qu’il sont à la disposition de son avocat pour évoquer le dossier. Il s’agirait à l’avenir de proposer un processus collaboratif ou participatif. L’UJA (Union des Jeunes Avocats) propose la mise en place de la RTOA (Recherche Transactionnelle Obligatoire entre Avocats), qui contraindrait la partie demanderesse à formuler par le biais de son avocat une offre transactionnelle confidentielle avant tout procès.

 

Cette proposition, peut-­être un peu audacieuse, n’a pas pour l’heure connu de suite, mais illustre parfaitement l’évolution des esprits, si ce n’est une vrai révolution culturelle, qui est en cours au sein du barreau, et qui de plus en plus, devrait amener à une contraction du contentieux au bénéfice d’une justice en quelque sorte privatisée, payante certes, mais aux résultats pragmatiques, rapides et mieux acceptés par les parties.